Voyons le bon côté des choses

Dans la série “voyons le bon côté des choses” j’ai envie de faire ma liste des petits “suppléments” gagnés en confinement :

  • je n’ai plus gaspillé (même pas une pauvre boite de câpres oubliée depuis des mois au frigo)
  • je me suis découvert un don particulier pour faire du pain (ce qui m’a permis de faire “coucou” à mes ancêtres boulangers)
  • j’ai enfin pris le temps d’apprendre à faire des recettes de familles (et d’appeler très souvent mes parents)
  • j’en enfin pris le temps de rappeler de vieux amis, prendre des nouvelles, appeler quelqu’un pour rien d’autre que de savoir “comment ça va”
  • j’ai lu des livres qui attendaient depuis des années d’être ne serait-ce qu’entamés – j’ai vu quelques uns des films que j’aurais dû voir bien plus tôt
  • j’ai fait de vieux exercices “orthopédiques” de flûte et de saxophone qui dormaient depuis des décennies
  • j’ai ouvert des “scores” merveilleux qui attendaient patiemment de l’être
  • j’ai découvert, peut-être parfois jusqu’à la nausée, ces magnifiques outils du parfait ermite que sont les visio-conférences, avec ce gain de temps incroyable pris sur les transports.

Finalement j’ai vécu une sorte de blocage dans le temps présent mais : j’ai pris le temps !

La seule chose qui s’est avérée pesante, c’était d’être incapable de projection dans l’avenir, sûrement à cause de ces annulations en cascade conjuguées aux incertitudes de reprise des activités culturelles. Dans cette situation, la nécessité du « projet » a disparu et, avec elle, l’urgence de l’acte de création, car je fais partie de ces gens qui ont besoin de l’urgence comme motivation.

Tout ceci est bien autocentré, me direz-vous, mais ne suis-je pas un musicien ?

La musique est abstraite, impalpable, volatile, et ceux qui la font doivent s’enfermer des heures, des jours, des années pour qu’elle soit présentable. Tout ceci maintient le musicien dans la nécessité d’être centré sur son art, et souvent autocentré tout court.

Dans l’ensemble, les musiciens sont individualistes, ce n’est pas nouveau.

Profitant d’une économie florissante jusqu’aux années 80, on pouvait être jusqu’au « roi du pétrole » en étant musicien, ce qui n’a pas incité ces derniers dans leur ensemble à s’intéresser au collectif. Puis avec les crises, les musiciens au lieu de se rassembler, ont majoritairement adopté la bonne vieille méthode du « chacun pour soi ».

Ai-je vraiment trop caricaturé ?

On a récemment beaucoup parlé des abeilles qui sont utiles car elles produisent du miel, mais dans la nature, il y a le papillon ! On sait que c’est le premier insecte qui disparaît aux premières traces de pesticide et celui qui revient lorsque la dernière trace a disparu, mais le papillon ne produit rien de vraiment quantifiable, pas de miel, il ne produit que du plaisir pour les yeux en de distillant des couleurs dans l’air. Il y a peut-être la même relation entre papillons et pesticides qu’entre musique et crises économiques.

Certes, on peut changer beaucoup de choses chacun à « son petit niveau » c’est notre devoir de citoyen, mais aujourd’hui la musique apparaît plus que jamais comme le secteur « le plus fragile des plus fragiles » et c’est peut-être aux musiciens de se regrouper plus largement pour agir dans la société.

Il y a 17 ans, au plus fort de la crise des intermittents, les débuts de Grands Formats parlaient justement de cela. Aujourd’hui cette crise économique qui arrive va impacter notre métier très fortement, c’est pourquoi les musiciens doivent vraiment commencer à se réveiller et se rassembler à l’image de ceux de notre fédération, pour mener des réflexions et des actions collectives et concrètes.

Donc, venez à Grands Formats, ou allez dans une fédération, syndiquez-vous, mais « dé-confinez-vous » vraiment, les musiciens !

J’ai l’impression qu’en parlant de mon cas personnel, en oubliant quelque temps la tyrannie du « projet », j’ai listé les bienfaits de ce moment de réflexion forcée. Moment propice pour réapprendre un peu notre humanité, envisager notre place dans la nature et notre impact sur l’écologie, et retrouver une certaine place dans nos vies pour le présent, qui comme son nom l’indique, est un cadeau.

Par Pierre Bertrand, La Caja Negra, membre du CA de Grands Formats & apprenti boulanger

© Isabelle Jarre


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